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Un agriculteur connecté 
à son territoire

26/06/2024

Portrait D'Avenir

Avec une approche unique et un esprit entrepreneurial audacieux, Vincent Seyeux, céréalier en Mayenne, a su transformer des défis en opportunités, tout en ayant un impact positif sur son territoire.

Fils de céréalier en Mayenne, Vincent Seyeux n’envisageait pas de suivre les traces de son père. « Ce qui m’intéressait, c’était le commerce », raconte-t-il. A 18 ans, il part aux États-Unis pour une année d’études. Quand il rentre en 1992, il n’a qu’une seule idée en tête : repartir et monter des boulangeries. La réforme de la Pac et la crise agricole qui l’accompagnait l’ont poussé à revoir ses plans. « Mon père, qui ne voyait pas d’un bon œil mon installation Outre-Atlantique, m’a suggéré de faire du commerce autrement. J’ai démarré comme ça, en reprenant des fermes, plutôt loin du site de l’exploitation pour les faire faire à façon ».
Vincent gérait ses exploitations avec une calculatrice plutôt qu’un tracteur. « J’avais un regard totalement différent sur l’agriculture, je choisissais les productions en fonction des subventions, explique-t-il. Je me suis retrouvé, en quelques années, à exploiter pas loin de 300 ha, avec un téléphone et une voiture. Les autres agriculteurs ne comprenaient pas et ils n’avaient peut-être pas tort », reconnaît-il aujourd’hui.

Du commerce à l’agronomie

Les années 2000 marquent un tournant pour Vincent. « Ce qui marchait sur le papier, ne fonctionnait pas toujours dans le champ, alors j’ai commencé à m’intéresser à l’agronomie ». En intégrant l’association bretonne « Base », il découvre les techniques de l’agriculture de conservation et l’agriculture régénératrice. C’est une révélation. Pendant 15 ans, il a aimé côtoyer des ingénieurs venus du monde entier, des agriculteurs passionnés par leur sol. Et d’essais en expérimentations, il passe petit-à-petit de chasseur de prime à agriculteur et même formateur. En 2010, il franchit une autre étape : convertir une partie des terres en bio. Un peu par hasard. « J'ai eu un stagiaire qui devait, dans le cadre de son rapport de stage, étudier les conséquences d’un passage en bio pour mon exploitation. Une fois le rapport en main, je me suis dit, pourquoi pas ». Pourtant, il n’y avait jamais pensé avant. « Quand on vient de l’agriculture de conservation, la priorité est de protéger les sols or en bio, on les travaille intensément, les vers de terre dérouillent.« C’est une voie psychologiquement compliquée ». Vincent y voit une nouvelle expérience à mener et une opportunité de progresser aussi en conventionnel. Mais, cela devient de plus en plus difficile pour lui de monter sur le pulvé et en 2018, il achève sa conversion bio. « J’avais aussi besoin que nos efforts soient économiquement valorisés. Or en agriculture de conservation, ce n’est pas le cas », regrette-t-il.
Le défi à lui seul ne pouvait pas satisfaire ce précurseur sans cesse en recherche de nouveauté. « Faire en bio, les mêmes cultures qu’en conventionnel n’avait aucun intérêt. J’ai cherché des cultures inexploitées. Le quinoa a été la bascule : c'était une culture novatrice et il n’y avait pas de filière sur le territoire. » Qu’à cela ne tienne. Le projet a mûri pendant deux ans et en 2017, Vincent crée Agro Logic, une sorte de coopérative privée qui transforme, stocke, conditionne et vend ces protéines végétales aujourd’hui très recherchées. « Cela a demandé énormément d’investissements, je comprends pourquoi les coopératives traditionnelles n’avaient pas pris cette voie ! Mais en cette année de crise du bio, notre structure a fait la différence », souligne-t-il. Sa réussite repose sur trois piliers : la diversification des productions, la vente en circuit-court et un ancrage territorial fort.
Selon les années, 50 à 100 agriculteurs livrent à Agro Logic leurs productions de quinoa, graines de chia, graines de courges et une dizaine d’autres céréales dites secondaires car Vincent continue à expérimenter de nouvelles cultures ou de nouvelles façons culturales. Les clients sont aussi très diversifiés, avec des magasins, des industriels, de la restauration collective… Sans intermédiaire, la structure garde la valeur ajoutée pour ses producteurs. Le quinoa est payé autour de 2000 €/tonne (brut) et les graines de chia ou de courges, entre 3000 et 4000 €/t. « Les rendements sont très différents d’une parcelle à l’autre. Il y a deux ans, en quinoa, on est monté à 2 t/ha ».
L’entreprise transforme ainsi environ la moitié de la production française de quinoa et emploie 11 personnes, des champs à la vente, en passant par la communication et l’administratif. Un poste est stratégique pour l’entreprise : celui du « chasseur de primes » qui essaie de lever un maximum de financements pour chaque projet, que ce soit au niveau de l’Europe, de la Région ou de la communauté de communes. « Pour certains projets, nous arrivons à financer ainsi 40 % de l’investissement. C’est ce qui sauve aujourd’hui la situation financière d’Agro Logic, par rapport à d’autres entreprises en difficulté sur le même créneau ».

Un cercle vertueux

Vincent Seyeux obtient ces financements parce qu’il sait impliquer les acteurs locaux. « Je veux des projets qui ont du sens et un impact sur le territoire », affirme-t-il. Il a ainsi permis la construction d’une maison de santé grâce à son entreprise de photovoltaïque… Féru d’énergies renouvelables, il installe des panneaux photovoltaïques dès 2002 sur son exploitation, puis avec un associé, ils créent une société d’installation en 2013. Ils ont appris le métier ensemble, à une époque où il n’y avait pas encore d’installateurs sérieux sur le marché. « Nous cherchions de nouveaux toits pour accueillir nos panneaux et la commune avait un projet de maison de santé qui ne sortait pas des cartons. Le photovoltaïque a permis son financement. D’un point de vue économique, cette association est très pertinente. »

Pas question pour lui aujourd’hui de céder aux sirènes de l’agrivoltaïsme. « Tant qu’on n’a pas couvert tous les toits des lotissements ou des usines, pas besoin d’utiliser les terres, sauf si cela a un sens agronomique pour la production en-dessous. Mais aujourd’hui, on prend les choses à l’envers, on remplace la forêt par des champs de panneaux et on réfléchit ensuite à ce qu’on peut mettre dessous ». Et pour Vincent, l’emprise au sol de ces panneaux est beaucoup plus lourde que celle des éoliennes. Il parle d’expérience. Il a construit un parc éolien en 2018 avec un groupe d’agriculteurs. « C’est moins intrusif que le photovoltaïque au sol », assure-t-il.
Economie, social et environnement guident ses actions. « Beaucoup de projets ont tous ces côtés positifs », assure-t-il. Et des projets, Vincent n’en manque pas. Le dernier en date, pour lequel il apporte un financement et son réseau est une entreprise de gestion de biodéchets. « Ce sont deux jeunes qui ont mis au point un système de collecte et de compostage des déchets très efficaces que nous épandrons sur nos terres. Nous avons un intérêt à capter le maximum de matière organique pour nos cultures en bio », justifie le business angel.

Sur le territoire Mayennais, Vincent Seyeux tisse sa toile. Les entreprises sont de plus en plus connectées entre elles, de vraies filières locales émergent. « Les entreprises ont un rôle crucial dans l’organisation d’un pays. En tant que chef d’entreprises, nous devons montrer la voie en matière de développement durable ».

Un conseil réactif

Pour le suivre dans ses projets, Vincent a besoin d’un cabinet-conseil des plus réactifs ! « Depuis que je suis au cabinet Altonéo (NDLR : membre d’AGIRAGRI), nous avons retravaillé toute l’organisation sociétaire. J’appelle régulièrement mon expert-comptable car cela bouge tout le temps. Rien que sur la dernière année, nous avons créé trois ou quatre nouvelles sociétés – sur un total de 15 ou 17 – ». La petite dernière, en cours de développement, vise à offrir aux producteurs locaux, une solution de distribution décarbonée. Vincent s’est associé avec un développeur qui a créé un site internet de vente directe de produits agricoles. Sur cette plateforme, un accès sera réservé dans un premier temps aux restaurants et cantines qui pourront passer commande. Les agriculteurs (bio ou conventionnel) livreront leur marchandise en un seul point de collecte puis la livraison à chaque client se fera à vélos. « C’est un gain de temps pour les producteurs. C’est aussi plus écologique car moins de véhicules circuleront en ville. » Vincent devient un intermédiaire… Mais à moindre coût. « Je ne crée par cette activité pour gagner de l’argent mais parce qu’elle est utile et qu’elle n’existe pas sur notre territoire ». A chaque problème, sa solution. Ce pourrait être la devise de Vincent Seyeux. Une devise et une vision qu’il transmet à ses jeunes enfants déjà initiés à l’agronomie et à l’économie.

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