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Réévaluer ses actifs en période de crise

26/06/2024

Droit et Gestion

La « réévaluation libre » des actifs permet à l’entreprise agricole de reconstituer ses capitaux propres, d’améliorer sa situation financière et de mieux gérer son patrimoine.

Le bilan de l’entreprise représente à l’actif son patrimoine et au passif les financements de ce patrimoine ; d’où l’égalité entre le total de l’actif et du passif, puisqu’à tout élément du patrimoine correspond ou a correspondu un financement interne ou externe. Le patrimoine est constitué des immobilisations, des stocks, des créances de l’entreprise et de sa trésorerie. Les financements comprennent les financements historiques (le capital social pour une société), les réserves non distribuées, la contribution positive ou insuffisante de l’activité via le résultat d’une période d’activité, les crédits accordés à l’entreprise par les associés (les comptes courants créditeurs), par les banques (emprunts, warrants), par les tiers (fournisseurs, salariés, organismes sociaux et fiscaux).
Cette représentation patrimoniale se fait à la date d’arrêté de l’exercice social. Pour être pertinente et assurer la sincérité des comptes, elle doit être établie dans le respect de conventions et de principes énoncés par le code de commerce et le plan comptable général (PCG). Selon ces textes, à leur entrée dans le patrimoine, les biens acquis à titre onéreux sont enregistrés à leur coût d’acquisition, les biens acquis à titre gratuit à leur valeur vénale et les biens produits à leur coût de production. Il y a bien entendu des exceptions à ces principes (notamment par les normes internationales, les tests de dépréciations, certaines créances, etc.) mais il en résulte en général une valorisation et donc une représentation historique du patrimoine de l’entreprise.
La communication financière vers les associés, les banques, etc. étant un élément sensible, il est intéressant d’actualiser les valeurs historiques du patrimoine de l’entreprise pour mieux les représenter. Cette exception au principe général s’appelle la « réévaluation » et est très encadrée. La « réévaluation libre » est autorisée par les articles L. 123-18 du code commerce et 214-27 du PCG. Elle est soumise à une réglementation très précise dans le détail de laquelle nous ne rentrerons pas et entraîne des conséquences fiscales. Nous retiendrons dans cet article le principe général, la mise en œuvre étant du domaine des spécialistes du groupement AGIRAGRI.

Comment ça marche ?

La réévaluation libre des actifs d’une entreprise agricole est une opération comptable qui lui permet de reconstituer ses capitaux propres en actualisant la valeur des immobilisations inscrites à l’actif de son bilan. Elle permet ainsi de corriger les écarts entre la valeur comptable et la valeur vénale des actifs, ce qui offre une image plus fidèle du patrimoine de l’entreprise à la date de l’opération. Elle n’est intéressante que si ces écarts sont significatifs ce qui est souvent le cas lorsque le foncier, bâti et non-bâti, est inscrit à l’actif du bilan de l’entreprise agricole.
Exemple :
Un bâtiment agricole appartenant à une entreprise agricole a une valeur nette comptable après amortissements de 20 000 €, mais est réévalué à 100 000 € par expertise foncière. L’entreprise pourra réévaluer ce bien à l’actif du bilan pour un montant de 100 000 €. L’écart de réévaluation de 80 000 € (100 000 – 20 000) sera comptabilisé au passif du bilan dans le compte « 1053 Écarts de réévaluation » (qui fait partie des fonds propres) et augmentera d’autant les fonds propres de l’entreprise et montrera une meilleure résilience de l’entreprise, aux associés, créanciers, juges notamment.

La réévaluation libre des actifs est possible sous certaines conditions. La principale est qu’elle doit porter sur l’ensemble des immobilisations corporelles et financières de l’entreprise. Il n’est donc pas possible de procéder à une réévaluation partielle de leur valeur. Sont toutefois exclus des opérations de réévaluation, les immobilisations incorporelles autres que les titres (marques, brevets…), ainsi que les autres éléments du patrimoine tels les stocks ou les valeurs mobilières de placement.
La réévaluation s’appuie sur la « valeur d’utilité » de chaque immobilisation. Ce travail nécessite l’intervention de spécialistes (experts fonciers agricoles, experts comptables, experts en machinisme agricole, notamment) et le recours à l’utilisation de plusieurs méthodes éventuellement pondérées entre elles. Pour pouvoir être opposable à l’examen critique des tiers, notamment celui de l’administration fiscale, ce point ne doit pas être négligé et la production de rapports détaillés est indispensable.

Augmenter ses capitaux propres

L’augmentation de la valeur des immobilisations à l’actif du bilan est traduite au passif par l’enregistrement comptable d’un « écart de réévaluation » qui vient augmenter la valeur des capitaux propres de l’entreprise. Cet écart est égal à la différence positive entre la valeur nette comptable, c’est-à-dire la valeur d’entrée du bien diminuée des amortissements comptables et provisions, et leur valeur actuelle (80 000 € dans notre exemple).
A noter que cet écart de réévaluation n’est pas considéré comme une plus-value puisqu’il n’est qu’une somme de « plus-value latente non-réalisées ». Autrement dit, il n’est pas comptabilisé dans le compte de résultat de l’exercice et ne peut donc pas être distribué aux associés. Il est inscrit directement dans les capitaux propres de l’entreprise par « effet miroir » des réévaluations de l’actif immobilisé. L’écart de réévaluation inscrit au passif peut être incorporé en tout ou partie au capital social. Cette nouvelle situation ne peut être qu’appréciée par les banques.
Autre avantage, l’entreprise retiendra la nouvelle valeur comptable comme base de l’amortissement des immobilisations. Un nouveau plan d’amortissement devra être mis en place pour les immobilisations qui étaient totalement amorties à la date de la réévaluation. La réévaluation a donc pour effet de générer de nouvelles charges d’s. Notons que c’est la nouvelle valeur comptable de l’élément réévalué qui sera retenue en cas de vente pour le calcul de la plus ou moins-value de cession de cette immobilisation.

Augmenter ses fonds propres

Au plan fiscal, le 2° de l’article 38 du code général des impôt (CGI) précise que « le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt (…). L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées ». En clair, l’écart de l’actif net qui résulte de l’opération de réévaluation libre, est un produit imposable au taux de droit commun. Mais ce profit imposable peut être compensé par des déficits en instance de report.

Il est hélas fréquent que les bilans des entreprises agricoles soient fortement dégradés par les déficits résultant des effets des crises qui secouent actuellement le secteur. Il en résulte souvent des déficits fiscaux qui seront soit perdus à terme (à l’impôt sur le revenu) ou dont l’utilisation est reportée sur de futurs bénéfices à un horizon indéterminé (à l’impôt sur les sociétés). Dans l’immédiat, l’entreprise doit faire face à des difficultés de financements conséquences des bilans dégradés. C’est dans ce contexte que la réévaluation libre prend tout son sens, notamment lorsque les actifs à forte valeur comme le foncier, sont inscrits à l’actif du bilan : image de l’entreprise meilleure et fidèle, augmentation des capitaux propres, utilisation opportune des déficits fiscaux, nouveaux amortissements.
Réévaluer son bilan en période de crise est une décision de gestion responsable qui présente un ensemble d’avantages tant pour l’entreprise, ses associés que pour les tiers. Révélant la valeur actuelle des immobilisations de l’entreprise, elle conduit à renforcer la confiance des tiers dans sa résilience et dans la valeur des garanties. Et c’est une bonne occasion de se pencher sur la gestion de son patrimoine professionnel.

Olivier Augeraud, expert-comptable honoraire, fondateur d’AGIRAGRI

Proposition pour la LF 2025
Notons que le législateur dans la loi de finances pour 2021 avait institué un régime optionnel consistant à différer provisoirement les conséquences fiscales de la réévaluation pour encourager les entreprises à améliorer leurs fonds propres. Cette mesure était applicable à la première opération de réévaluation réalisée au terme d’un exercice clos à compter du 31 décembre 2020 et jusqu’au 31 décembre 2022. On ne peut que regretter que la disposition n’ait pas été prorogée. Espérons qu’elle puisse être reprise dans la prochaine loi de finances pour 2025.

 

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