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Noisettes du Bourbonnais, un virage audacieux

17/04/2024

Portrait D'Avenir

Nicolas et Karen sont les premiers producteurs de noisettes de l’Allier. Une reconversion radicale et prometteuse de la traditionnelle ferme familiale.

Dans l'écrin verdoyant du Bourbonnais, une révolution douce mais déterminée s'opère. Nicolas Perrin, un jeune agriculteur armé d'une vision et d'une détermination sans faille, s’est lancé dans une aventure agricole peu commune dans l’Allier : la noisette.
Fils d’agriculteurs, Nicolas ne se destinait pas à reprendre l’exploitation familiale. Ses parents l’en avaient toujours dissuadé. Lui-même est encore marqué par la crise porcine. « J’étais à un âge où je comprenais ce qui se passait. Ils ont fermé le robinet sur tout le confort, jusqu’au moindre abonnement, parce qu’ils ne s’en sortaient pas. Ça marque », avoue Nicolas. Le BTS Acse en poche, il s’oriente alors vers une carrière de commercial, dans le machinisme puis les intrants. C’est lors d’un de ses déplacements professionnels en Lot-et-Garonne en 2016 qu’il découvre la culture de la noisette et se prend de passion pour ce petit fruit à coque.
A 30 ans, le voilà frappé par une révélation : et si le destin de la ferme familiale ne s'arrêtait pas là ? Et si, contre toute attente, il en prenait les rênes pour la faire perdurer, tout en l'inscrivant dans l’innovation et la diversification ? « Je ne voulais pas être la génération – la 3e – qui abandonne », souligne-t-il.

Croire en l’avenir
Nicolas mûrit son projet. Sur le papier, le prévisionnel financier est solide. Mais la conseillère installation du département n’y croit pas. Les banques non plus. Ce sont alors ses parents qui financent les premiers pas de cette aventure. Ils achètent en 2016 et 2017, les plants pour 70 000 € et le foncier, l’ancienne carrière de Kaolin attenante à la ferme familiale où Nicolas jouait enfant, pour 120 000 €. Ils créent l’« EARL Perrin Nicolas » dans laquelle leur fils prend quelques parts. Mais ce n’est que le 1er janvier 2019 que Nicolas s’installe officiellement sur la ferme familiale, ses 70 ha de cultures – dont maintenant 22 ha en noisetiers soit plus de 15 000 arbres –, ses 45 vaches allaitantes et ses 400 porcs à l’engraissement, marquant le début concret de sa quête pour devenir le premier producteur de noisettes de l'Allier.
Le chemin est semé d'embûches. Malgré la sélection de trois variétés tardives et prometteuses, la Corabel, la Segorbe et la Merveille de Bollwiller, le climat des Combrailles, à 700 mètres d'altitude, s'avère peu propice à cette culture habituée à d’autres latitudes.
Nicolas se confronte à des gelées tardives. « Je manquais aussi de compétences techniques », avoue-t-il. Loin de se laisser abattre, il adapte sa stratégie et se tourne, avec sa compagne Karen, vers la transformation. Ancienne employée de banque, elle s’est laissée embarquer dans l’aventure. Actuellement en formation pour passer un BPREA (1), elle participe activement à la transformation des noisettes. Un domaine où ils peuvent exprimer leur créativité et leur savoir-faire, acquis à l’occasion de voyages en Italie. Caramélisées, enrobées de chocolat, transformées en crème ou simplement grillées, les noisettes du Domaine des Kaolins séduisent par leur qualité et leur originalité.
Nicolas se confronte à des gelées tardives. « Je manquais aussi de compétences techniques », avoue-t-il. Loin de se laisser abattre, il adapte sa stratégie et se tourne, avec sa compagne Karen, vers la transformation. Ancienne employée de banque, elle s’est laissée embarquer dans l’aventure. Actuellement en formation pour passer un BPREA (1), elle participe activement à la transformation des noisettes. Un domaine où ils peuvent exprimer leur créativité et leur savoir-faire, acquis à l’occasion de voyages en Italie. Caramélisées, enrobées de chocolat, transformées en crème ou simplement grillées, les noisettes du Domaine des Kaolins séduisent par leur qualité et leur originalité.
« L’idée était de me libérer un maximum de temps pour l’activité noisette », explique-t-il. Nicolas a aussi bénéficié de subventions européennes, à hauteur de 40 % de ses investissements. Bien que la constitution du dossier soit lourde et le taux diminué à 35 %, le couple n’envisage pas de s’en priver pour son prochain investissement de 150 000 €, prévu en 2025, avec l’installation officielle de Karen : la construction d’un bâtiment de 800 m² attenant à celui existant, pour le stockage des noisettes et matériel et l’agrandissement du laboratoire. Pour le reste, la banque les suit désormais, rassurée par le rendement du solaire et des 2000 m² de panneaux qui seront installés sur la toiture des anciens bâtiments de la ferme.

Une compta 100 % noisettes
Le rendement des noisetiers est lui aussi prometteur. La production est passée de 5 à 18 tonnes de noisettes sur la dernière année, grâce à la maturité croissante du verger qui va avoir sept ans et à des conditions climatiques favorables. Les challenges, loin de le freiner, stimulent son ambition. Nicolas envisage désormais d'atteindre une production de 2 t/ha (le potentiel théorique est à 3t), grâce à l'expertise technique acquise notamment auprès d’un ami producteur du Lot-et-Garonne. La solidarité s'est aussi renforcée au sein d'un réseau de producteurs indépendants, via des groupes WhatsApp, en réponse aux obstacles posés par la coopérative Unicoque qui a le monopole de la collecte en France. Ils partagent leurs connaissances et les défis techniques auxquels ils sont confrontés. « Je préfère garder ma liberté plutôt qu’être engagé par des contrats contraignants sur 15 ans, avec obligation de livrer ma production en Lot-et-Garonne et en retour, aucune certitude de récupérer mes noisettes. »

Grâce à la transformation, Nicolas vend sa production à un prix bien supérieur à celui proposé par la coopérative, tout en se libérant de la pression du rendement. « Je valorise la noisette à 10 €/kg HT quand la coop l’achète 1,5 €/kg. Même en supermarchés, les tarifs ne sont que de l’ordre de 8,50 € à 10 €/kg… TTC ».
La distribution se fait à 40 % en vente directe (à la ferme et dans un magasin de producteurs) et à 60 % via des épiceries fines et des revendeurs, notamment dans le réseau Gamm Vert. La présence dans des salons, comme le SIA à Paris en 2024, représente aussi un investissement stratégique pour l'entreprise. Pour fidéliser ces lointains clients, l'accent a été mis sur le développement de la boutique en ligne, dont la popularité s'accroît grâce à la médiatisation du domaine.
En 2024, le domaine des Kaolins connaîtra sa première année comptable entièrement dédiée à la production de noisettes. « J’arrive à 75 % de marge brute, affirme-t-il fièrement. C’est le tremplin commercial qu’on attendait pour satisfaire toutes les demandes des clients ». Ce sera aussi l’occasion de faire un point avec Auverco, son cabinet d’expertise-comptable membre d’AGIRAGRI, qui l’accompagne dans son développement. Aujourd’hui, Nicolas détient 97 % des parts de l’EARL, sa mère conservant les 3 % restant en attendant l’installation de Karen. En parallèle, une SAS a été créée pour l’activité solaire et l’achat-revente de noisettes (avec une marque dédiée), si une mauvaise récolte les y contraignait une année.
Les exigences européennes en matière de subventions pèsent sur son organisation juridique. « Pendant cinq ans, les investissements doivent être portés par l’EARL et non une société commerciale », explique Nicolas. En plus, il va être temps de se pencher sur le montant de ses cotisations sociales qui vont exploser avec la fin de son statut de jeune agriculteur. Une embauche est également prévue, voire une association.
Convaincu du potentiel de développement de la noisette dans les années à venir, Nicolas souhaite anticiper les futurs projets régionaux. Avec Karen, ils ont créé la marque « Noisettes Cœur d'Auvergne » pour marquer leur territoire et se tiennent prêts à transformer des noisettes pour le compte d'autres producteurs qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure.

Propos recueillis par Arielle Delest

EN SAVOIR PLUS

La sève de bouleau, une production atypique
Depuis sa fermeture à la fin du 19e siècle, l'ancienne carrière s'est transformée en un lac d'1,5 hectare, entouré d'une forêt de 4 ha de bouleaux dont Karen et Nicolas extraient la sève. « Tout a commencé un peu par hasard, par simple curiosité, puis on a cherché des techniques d’extraction et maintenant, la production fait partie intégrante de l’identité du Domaine des kaolins. » Aujourd'hui, ils récoltent environ 600 litres (2 l/j/arbre en moyenne) de sève chaque année entre début mars et mi-avril, en veillant à respecter la bonne santé des arbres et à préserver cette ressource naturelle. La sève récoltée est neutre et sucrée, et peut être consommée en cure printanière, à raison de 15 cl tous les matins à jeun pendant trois semaines. Le couple propose la cure à 29,50 €.

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