« Si la vigne peut s’adapter de temps en temps, elle ne pourra pas supporter ces chaleurs en permanence », assure le chercheur en sciences agronomiques qui était l’invité de la MatinAgri d’AGIRAGRI, le 3 mars 2023.
Sur le siècle, on note une hausse des températures de 0,8°C dans le Monde. Pour la France, c’est 1,4°C par rapport à la moyenne 1961-1990. En glissant de 30 ans (base 1900-1930), on atteint presque 2,5°C. Les scénarios du Giec projettent une hausse des températures entre 1,4 et 4,4°C à l’horizon 2080. « Le premier, il faut l’oublier ! », assure Jean-Pascal Goutouly. L’objectif, depuis les accords de Paris de 2015, est de rester en dessous de 2°C d’augmentation. Les efforts devront venir de partout. La Chine est le premier émetteur de gaz à effet de serre, suivie des Etats-Unis, de l’Europe, de l’Inde et du Brésil. « Le classement serait très différent si l’on tenait compte des importations car l’Europe réduit ses émissions en faisant produire en Chine », le chercheur.
L’INRAE a classé les cépages selon leurs besoins en chaleur. Comparer la carte de 1901 à celle de 2050 est édifiante (voir ci-dessus). Déjà ces changements se font ressentir. « Le climat actuel de l’Angleterre correspond par exemple à celui de la Champagne des années 80. Autrefois, c’était des vins très acides, le marché était confidentiel. Aujourd’hui, ils ont perdu son acidité et comptent parmi les meilleurs effervescents du monde », rappelle Jean-Pascal Goutouly.
Le Cognac est une autre très bonne référence pour suivre l’évolution de la véraison car il doit toujours être vendangé à une date qui lui permet d’avoir 8-10°C alcool et 10-12% acidité. Au début du siècle, on pouvait vendanger jusqu’au 15 novembre. Depuis le début des années 2000, il fait plus chaud, les cycles s’enchaînent plus rapidement. « Sur 36 ans, on constate un débourrement 4 jours plus tôt, une floraison avancée de 20 jours, une véraison de 19 jours et un début des vendanges anticipé de 21 jours ! Ce décalage vers les périodes chaudes de l’été a pour effet de dégrader les qualités organoleptiques du raisin, rappelle-t-il. Plus on glisse vers des températures chaudes, plus on aura des problèmes d’alcool, d’acidité, de PH… donc des problèmes de conservation. Des étés comme celui de 2003, avec des nuits qui restent chaudes, ne sont pas adaptés à la physiologie de la plante et cela donne des vins déséquilibrés. Or 2003 va devenir la norme, notre référence pour le futur. Mais nos vignes ne vont pas pouvoir supporter des stress récurrents années après années. Les méthodes actuelles de travail et les cépages ne sont pas adaptés ».
Il faudra prendre l’altitude car on perd 0,6 °C tous les 100 mètres. Le vignoble de Clermont-Ferrand devrait ainsi revenir. Il faudra aussi réorienter les rangs : jusqu’ici il était préconisé de planter Nord-Sud pour que la face Est prenne le soleil le matin et la face Ouest l’après-midi. Maintenant, avec les températures élevées, les raisins échaudent et flétrissent. Il faudra investir les expositions Nord des coteaux pour revenir à des conditions de températures et d’éclairement plus corrects, modifier les pratiques culturales et utiliser la très grande biodiversité des Vitis qui compte plus de 18 000 clones concernant 105 variétés. Des essais sont en cours et l’urgence déjà là.
Propos recueillis par Arielle Delest
Membre du Comité Scientifique Régional sur le Changement Climatique ‘AcclimaTerra’
Co-auteur pour la partie viticulture des 2 rapports 2013 et 2018
http://www.acclimaterra.fr/rapport-page-menu/
Chercheur au sein des deux programmes LACCAVE (2012-2016 ; 2018-2021)
https://www6.inrae.fr/laccave/Projet
https://www6.inrae.fr/laccave/Actualites2/Plaquette-La-vigne-le-vin-et-le-changement-climatique
Collectif groupe de Prospective « la filière Vigne et Vin dans le contexte du changement climatique » au sein de ce programme.
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